Premier verdict…

Arcane XX, tarot de Jean DodalAh, vous dirais-je Maman, ce qui cause mon tourment ? De Mozart, connu pour avoir popularisé cette vieille comptine, je ne vous dirai rien ici : je n’écoute plus aujourd’hui que de l’electro et me perds régulièrement dans les spirales rythmiques hypnotiques d’un Taku Nakahara qui, me semble-t-il, me font atteindre cet état paradoxal si propice à la créativité. Non, je voudrais vous conter ici les affres d’un écrivain en herbe, d’un auteur encore novice – pour avoir publié trois romans, il n’en reste pas moins que je n’ai écrit qu’une seule histoire. Et la parution du Silence des Arcanes, le 12 février dernier, marquait donc pour moi la fin réelle, effective de cette première aventure. Car enfin, comment juger la peinture sur un détail, le cuisinier sur un simple plat ?

Inutile de vous confier, donc, que j’étais impatient, anxieux, même, des premiers retours critiques. Conjoint, famille et amis se sont prêtés avec gentillesse et bienveillance à cet exercice désormais traditionnel : ils savent que leur avis m’importe, que j’y prête une oreille attentive. Ils sont pour moi un premier étalonnage, ils me donnent les éléments me permettant de projeter une tendance, peu importe au final qu’elle soit pure projection mentale de ma part, confirmée ou infirmée par les ventes et les parutions presse. J’essaie naturellement de minorer leurs avis et leurs retours par un malus de proximité : je sais qu’ils savent que je sais que… Bref, je les soupçonne toujours d’avoir pris des gants avec moi, même si en ces périodes qui suivent la parution, je n’ai qu’eux pour me faire une idée et garder mon équilibre, pareil à la jeune fille de la comptine, qui au moment fatidique n’a pour tout soutien que sa houlette et son chien.

Et donc j’attends les retours distants, mon coeur dit à chaque instant « comment peut-on vivre sans amant ? ». J’attends les commentaires de lecteurs inconnus, les avis des hommes et des femmes du métier, car j’ai envie que l’on me dise, que l’on me dise vraiment, sans cajolerie, envie de savoir. Comment vous le trouvez mon bébé ? Et là, là je dois dire que le silence des critiques est encore plus effrayant que celui des Arcanes… Toutes les raisons possibles et imaginables peuvent sans doute être invoquées. Peu importe, à vrai dire, c’est une véritable souffrance lorsqu’on a mis un peu de ses tripes dans l’écriture. Peu importe que les amis vous disent ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont ressenti, et vous encouragent. Peu importe que votre éditrice, grande dame de la littérature, vous dise au détour d’un café : « Vous avez vraiment trouvé l’écriture, dans le troisième tome. Ca ne s’arrêtera plus. Vous êtes allé très profond en vous. » Ce que vous voulez, c’est un jugement, un verdict, une neutralité. Oh, je ne m’en cache pas : comme au Tarot, vous préféreriez que ce Jugement (arcane XX) vous ouvre le Monde (arcane XXI), certes, mais ce que vous souhaitez par dessus tout, c’est sortir des Limbes, du peut-être, du on-ne -sait-pas.

Alors voilà, je remercie ici publiquement la mystérieuse Mureliane, qui a chroniqué pour les Chroniques de l’Imaginaire les deux derniers tomes de la trilogie, la Complainte et le Silence. Elle avait, à sa sortie, aimé le Chant, et j’étais anxieux de connaître son avis. Avec intelligence et sensibilité, elle évoque les évolutions entre les trois tomes, et j’y suis tout particulièrement sensible. Merci, Mureliane, pour ce premier verdict, qui rompt pour moi l’insupportable silence de la critique. 

Ah ! Qu’on goûte de douceur,
Quand l’amour prend soin d’un cœur !

~ par ThC sur 25 mars 2009.

4 Réponses to “Premier verdict…”

  1. Salut Thierry,
    Comme pour le 1er tome je suis le prem’s « inconnu » à te témoigner mon soutien !
    Toujours fan, je n’ai pas encore lu le petit dernier mais ça ne saurait tarder.
    Quant au silence il a l’avantage, comme les cartes, de pouvoir être interprété à notre guise dans une certaine mesure, avec bien sûr les peurs et les angoisses que tu y projettes mais aussi avec les tripes que tu a été capable de balancer sur le papier.
    Ce n’est pas suffisant mais c’est déjà énorme.
    J’attends avec impatience la prochaine étape.
    Amicalement
    J

    • Merci Julien, du fond du coeur.
      Il y a effectivement des choses qui viennent de très loin dans cette trilogie des Arcanes.
      Je rentre tout juste du Japon, et je travaille actuellement sur le prochain roman, qui approfondira, dans un registre différent, certains thèmes du Silence.
      Bien à toi,
      T.

  2. Bonjour Thierry,
    Début septembre.Deux thrillers dans une valise, choisis hâtivement, un clic de souris sur le net, une brève hésitation cependant, en raison d’une appréhension irraisonnée vis-à-vis des tarots. Un dérivatif, je ne souhaite qu’un peu d’adrénaline. Mi-septembre, retour de vacances. Commotionnée par les deux premiers volumes, je fais fi de toute prudence et m’immerge dans « le silence des arcanes ». Chute d’Esteranguy, je tente alors de dévisser. Se sauvegarder. Deux ou trois jours de « sevrage »… je suis en manque… je poursuis, cahin-caha. Aïe ! le château de cartes s’écroule et m’ensevelit. Sans m’anéantir. Dommage pour vous. Je vous voue aux gémonies. J’ai mal. Colère, révolte, désespoir. En prime, la sensation inconnue d’être branchée sur un émetteur d’énergie. En surtension permanente. Une semaine… deux semaines. Jusqu’aux nausées, toute une journée. Le mal être se dissipe alors.
    Premières impressions : des ruines, rien à attendre, rien à espérer. Dérisoire le travail sur soi, des années d’efforts et ne pouvoir maîtriser ni l’affectif, ni l’émotionnel. Admettre que le geste destructeur de Matthias peut être mien. Se reconnaître faillible. « Je suis vous, vous êtes moi… je suis elles, elles sont vous… vous n’êtes pas capables de changer… il n’y a rien à sauver dans tout ça ». Jusqu’à l’obsession. En vrac et avec le recul du temps, c’est à peu près cela. Le positif : je suis réveillée. Finie la léthargie à l’abri de mon rempart de symboles, rites, mythes et traditions. Appréhender cette réaction anormale corps esprit. Une vision,subite, la chute du plongeur de Paestum. Elle se superpose à celle d’Estéranguy, avec toute une signification initiatique et symbolique, symétrie parfaite de la chute de Matthias au Chili. Pas à pas, je découvre une architecture harmonieuse, rigoureuse dans sa conception et basée sur la dualité. Un binaire inexorable dans les situations, les personnages, les sentiments, jusqu’au silence celui qui protège, pur silence de l’amour et celui qui détruit, le non-dit lâche et égoïste. Un binaire poussé à l’extrême et certainement apte, par sa répétition, à provoquer une forme de transe. L’éclairage se modifie insensiblement et au fil des jours, je noircis dans pages et des pages… que je ne vous imposerai pas.
    Le chamanisme, je le découvre à nouveau mais c’est en Grèce ancienne que je le perçois mieux : les hommes-dieux (Matthias dans l’arcane du Monde), Tirésias c’est Jeannette-John.. Je laisse venir les réminiscences. Inari m’évoque l’exil des dieux de Théodore de Banville mais également des deux premières séquences du film « Dreams » de Kurosawa. J’aime relire ce passage poétique et poignant, à l’opposé des herses constituées par les premiers chapitres des trois volumes, celles-là difficiles à franchir.
    Beaucoup de symbolisme : silence, souffle, sacrifice, sel, sang, serpent… en plus de celui véhiculé par les arcanes. La violence, reflet de l’actualité au quotidien -mais pourquoi paraît-elle aussi insupportable dans un roman ?- n’est finalement qu’une façade, me semble-t-il. Elle masque ce qui structure l’oeuvre, la vraie question. Une initiation, un acquis de connaissances, d’expériences, de réflexions peuvent-ils durablement améliorer un être ? Les deux derniers arcanes, lus et relus, aboutissent à une succession de questions-réponses-questions. Pas de vérité, seulement des ouvertures sur le possible. Une remise en question inévitable. Pas d’échappatoire à l’habileté consommée de l’auteur ! Ceci étant, j’éprouve, à l’égard de Matthias, des sentiments fraternels et indulgents. L’amour surpasse l’homme-dieu chamane qui peut modifier le cours du monde. N’en déplaise mais c’est la seule lueur d’espoir. La beauté du roman. Que Matthias soit victime d’une illusion n’altère pas la pureté de son intention. Entre devoir imposé, contrainte subie, c’est le choix de la liberté. Un choix humain. Alors, est-ce un échec initiatique, un retour à la case départ ? Les blessures à la gorge et au coeur, le « avance ! meurs ! » qui résonne comme « meurs et deviens », l’évocation de la pierre philosophale et quelques autres détails éclairent sans dévoiler. Oui, bien sûr, reste la destruction finale. En fait, chaque jour nous y contribuons. Cependant, le lock-out demeure insoutenable, sauf à le considérer comme le mauvais aboutissement d’un vol chamanique. J’ai la vision cruelle d’un moderne Prométhée… ou celle d’un monde agonisant et en sursis. L’âme de Matthias, je la compare aussi au petit garçon du premier rêve de « Dreams », enfermé à l’extérieur de sa maison et puni pour avoir désobéi. L’arc-en-ciel du pardon brillera-t-il un jour pour Matthias ?
    Trop long, stop. Encore ceci, j’apprécie votre blog, j’ai découvert et exploré l’ancien, une aide non négligeable pour approcher les arcanes et vous connaître un peu. j’ai répondu à l’un de vos textes mais votre demeure paraît actuellement à l’abandon (?).
    Merci, j’ai reçu beaucoup plus que de l’adrénaline !
    Francine

    • Francine : merci, pardon, bravo. Je vous ai envoyé une réponse par mail -en attendant de poursuivre nos échanges au travers de ce blog, le cas échéant.

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